Qui a dit que dirigeant n’était pas un métier ? Ce n’est pas la Cour d’appel de LYON, qui semble exiger des dirigeants qu’ils connaissent à la lettre les termes des conditions de résiliation des contrats en matière de procédures collectives (CA LYON 3ème chambre A, 24 septembre 2020 RG 18/01728).
S’il est peu probable que tous les gérants de bar restaurant soient en mesure de répondre aux conditions du texte pour obtenir la résiliation d’un contrat conclu avec un fournisseur de site internet en liquidation judiciaire, il est désormais certain que toute la bonne foi du monde ne suffira pas.
Un commerçant signe un contrat de location qui l’engage sur plusieurs années, pour obtenir un site internet qu’un fournisseur indépendant est chargé de livrer. Qu’advient-il lorsque le fournisseur arrête son activité, ou fait l’objet comme en l’espèce d’une liquidation judiciaire ? Le contrat de location financière se poursuit et le commerçant doit continuer à régler des loyers pour une prestation qu’il ne reçoit pas.
La Cour de cassation a heureusement reconnu l’interdépendance des contrats de location financière avec les contrats de prestations de services qui y sont liés. Le contrat de location financière devient caduc lorsqu’est démontrée la résiliation du contrat de prestations de services. Mais rien n’est simple. En cas de liquidation judiciaire du prestataire de service, le contrat n’est résilié de plein droit que dans les conditions de l’article L.641-11-1 III 1° du Code de commerce, à savoir « après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d’un mois sans réponse ». Et mieux vaut appliquer à la lettre ces dispositions !
Un gérant de bar restaurant, déjà bien informé, avait adressé au liquidateur de son fournisseur de site internet un courrier recommandé avec accusé de réception, en lui demandant, mais avec ses mots, de lui confirmer la liquidation judiciaire du fournisseur, la fin du contrat entre le fournisseur et la société de location financière et la fin du « lien commercial » entre le fournisseur et lui… expliquant alors au liquidateur qu’il attendait son retour pour « se défaire de ce litige ».
Selon la Cour d’appel de LYON, ce courrier « ne constitue pas la mise en demeure visée par le texte susvisé du code de commerce, comme ne demandant pas (au liquidateur) de prendre position sur la poursuite du contrat ».
Un mot est un mot, et même si l’on comprend pourtant bien du courrier adressé par le gérant qu’il s’agit d’une demande faite au liquidateur de confirmer la fin du contrat, et que ce courrier, qui est bien resté plus d’un mois sans réponse, avait à l’évidence le même objectif, ces mots ne valent pas la lettre du texte.
La sanction est lourde pour le gérant qui pensait avoir agi dans les formes : condamnation à payer à la société de location financière, qui en avait sans aucun doute bien besoin, la totalité des loyers restant dus sur 5 ans, soit plus de 6000 euros pour une prestation qu’il n’a pas reçue !
Sachez à présent, dirigeants, que rien ne sert d’être bien informés, il faut également savoir recopier. Rien de tel qu’un bon Code de commerce en livre de chevet.
Et si vous n’avez pas la plume, ne vous improvisez pas juristes, faites-vous conseiller !